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Les jours s'en vont je demeure

by Olivier Campos

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johnwhats "La Tzigane" & "Les Cloches" are my personal favourites: whimsical yet poignant. Favorite track: Saltimbanques.
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1.
Zone 14:31
À la fin tu es las de ce monde ancien Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin Tu en as assez de vivre dans l’antiquité grecque et romaine Ici, même les automobiles ont l’air d’être anciennes La religion seule est restée toute neuve La religion est restée simple comme les hangars de Port-Aviation Seul en Europe tu n’es pas antique ô Christianisme L’Européen le plus moderne c’est vous Pape Pie X Et toi, que les fenêtres observent, la honte te retient D’entrer dans une église et de t’y confesser ce matin Tu lis les prospectus, les catalogues, les affiches qui chantent tout haut Voilà la poésie ce matin et pour la prose il y a les journaux Il y a les livraisons à 25 centimes pleines d’aventures policières Portraits des grands hommes et mille titres divers J’ai vu ce matin une jolie rue dont j’ai oublié le nom Neuve et propre du soleil, elle était le clairon Les directeurs les ouvriers et les belles sténo-dactylographes Du lundi matin au samedi soir, quatre fois par jour y passent Le matin par trois fois la sirène y gémit Une cloche rageuse y aboie vers midi Les inscriptions des enseignes et des murailles Les plaques, les avis à la façon des perroquets criaillent J’aime la grâce de cette rue industrielle Située à Paris entre la rue Aumont-Thiéville et l’avenue des Ternes Voilà la jeune rue et tu n’es encore qu’un petit enfant Ta mère ne t’habille que de bleu et de blanc Tu es très pieux et avec le plus ancien de tes camarades René Dalize Vous n’aimez rien tant que les pompes de l’Église Il est neuf heures, le gaz est baissé, tout bleu vous sortez du dortoir en cachette Vous priez toute la nuit dans la chapelle du collège Tandis qu’éternelle et adorable profondeur améthyste Tourne à jamais la flamboyante gloire du Christ C’est le beau lys que tous nous cultivons C’est la torche aux cheveux roux que n’éteint pas le vent C’est le fils pâle et vermeil de la douloureuse mère C’est l’arbre toujours touffu de toutes les prières C’est la double potence : de l’honneur et de l’éternité C’est l’étoile à six branches C’est Dieu qui meurt le vendredi et ressuscite le dimanche C’est le Christ qui monte au ciel mieux que les aviateurs Il détient le record du monde pour la hauteur Pupille Christ de l’œil Vingtième pupille des siècles - il sait y faire Et changé en oiseau ce siècle comme Jésus monte dans l’air Les diables dans les abîmes lèvent la tête pour le regarder Ils disent qu’il imite Simon Mage en Judée Ils crient s’il sait voler qu’on l’appelle voleur Les anges voltigent autour du joli voltigeur Icare, Enoch, Elie, Apollonius de Thyane Flottent autour du premier aéroplane Ils s’écartent parfois pour laisser passer ceux que transporte la Sainte-Eucharistie Ces prêtres qui montent éternellement élevant l’hostie L’avion se pose enfin sans refermer les ailes Le ciel s’emplit alors de millions d’hirondelles A tire-d’aile viennent les corbeaux, les faucons, les hiboux D’Afrique arrivent les ibis, les flamants, les marabouts L’oiseau Roc célébré par les conteurs et les poètes Plane… tenant dans les serres le crâne d’Adam - la première tête L’aigle fond de l’horizon en poussant un grand cri Et d’Amérique vient le petit colibri De Chine sont venus les pihis longs et souples Qui n’ont qu’une seule aile et qui volent par couple Puis voici la colombe - esprit immaculé Qu’escortent l’oiseau-lyre et le paon ocellé Le phénix ce bûcher qui soi-même s’engendre Un instant voile tout de son ardente cendre Les sirènes laissant les périlleux détroits Arrivent en chantant bellement toutes trois Et tous aigle, phénix et pihis de la Chine Fraternisent avec la volante machine Maintenant tu marches dans Paris tout seul parmi la foule Des troupeaux d’autobus mugissants près de toi roulent L’angoisse de l’amour te serre le gosier Comme si tu ne devais jamais plus être aimé Si tu vivais dans l’ancien temps, tu entrerais dans un monastère Vous avez honte quand vous vous surprenez à dire une prière Tu te moques de toi et comme le feu de l’Enfer, ton rire pétille Les étincelles de ton rire dorent le fond de ta vie C’est un tableau pendu dans un sombre musée Et quelquefois tu vas le regarder de près Aujourd’hui, tu marches dans Paris, les femmes sont ensanglantées C’était - et je voudrais ne pas m’en souvenir - c’était au déclin de la beauté Entourée de flammes ferventes Notre-Dame m’a regardé à Chartres Le sang de votre Sacré Cœur m’a inondé à Montmartre Je suis malade d’ouïr les paroles bienheureuses L’amour dont je souffre est une maladie honteuse Et l’image qui te possède te fait survivre dans l’insomnie et dans l’angoisse C’est toujours près de toi cette image qui passe Maintenant tu es au bord de la Méditerranée Sous les citronniers qui sont en fleur toute l’année Avec tes amis tu te promènes en barque L’un est Nissard, il y a un Mentonasque et deux Turbiasques Nous regardons avec effroi les poulpes des profondeurs Et parmi les algues nagent les poissons - images du Sauveur Tu es dans le jardin d’une auberge aux environs de Prague Tu te sens tout heureux une rose est sur la table Et tu observes au lieu d’écrire ton conte en prose La cétoine qui dort dans le cœur de la rose Épouvanté tu te vois dessiné dans les agates de Saint-Vit Tu étais triste à mourir le jour où tu t’y vis Tu ressembles au Lazare affolé par le jour Les aiguilles de l’horloge du quartier juif vont à rebours Et tu recules aussi dans ta vie lentement En montant au Hradchin et le soir en écoutant Dans les tavernes chanter des chansons tchèques Te voici à Marseille au milieu des Pastèques Te voici à Coblence à l’hôtel du Géant Te voici à Rome assis sous un néflier du Japon Te voici à Amsterdam avec une jeune fille que tu trouves belle et qui est laide Elle doit se marier avec un étudiant de Leyde On y loue des chambres - en latin Cubicula locanda Je m’en souviens, j’y ai passé trois jours et autant à Gouda Tu es à Paris chez le juge d’instruction Comme un criminel on te met en état d’arrestation Tu as fait de douloureux et de joyeux voyages Avant de t’apercevoir du mensonge et de l’âge Tu as souffert de l’amour à vingt et à trente ans J’ai vécu comme un fou et j’ai perdu mon temps Tu n’oses plus regarder tes mains et à tous moments je voudrais sangloter Sur toi sur celle que j’aime sur tout ce qui t’a épouvanté Tu regardes les yeux pleins de larmes ces pauvres émigrants Ils croient en Dieu ils prient les femmes allaitent des enfants Ils emplissent de leur odeur le hall de la gare Saint-Lazare Ils ont foi dans leur étoile comme les rois-mages Ils espèrent gagner de l’argent dans l’Argentine Et revenir dans leur pays après avoir fait fortune Une famille transporte un édredon rouge comme vous transportez votre cœur Cet édredon et nos rêves sont aussi irréels Quelques-uns de ces émigrants restent ici et se logent Rue des Rosiers ou rue des Écouffes dans des bouges Je les ai vus souvent le soir, ils prennent l’air dans la rue Et se déplacent rarement comme les pièces aux échecs Il y a surtout des Juifs leurs femmes portent perruque Elles restent assises exsangues au fond des boutiques Tu es debout devant le zinc d’un bar crapuleux Tu prends un café à deux sous parmi les malheureux Tu es la nuit dans un grand restaurant Ces femmes ne sont pas méchantes, elles ont des soucis cependant Toutes, même la plus laide, a fait souffrir son amant Elle est la fille d’un sergent de ville de Jersey Ses mains que je n’avais pas vues sont dures et gercées J’ai une pitié immense pour les coutures de son ventre J’humilie, maintenant à une pauvre fille au rire horrible, ma bouche Tu es seul le matin va venir Les laitiers font tinter leurs bidons dans les rues La nuit s’éloigne ainsi qu’une belle Métive C’est Ferdine la fausse ou Léa l’attentive Et tu bois cet alcool brûlant comme ta vie Ta vie que tu bois comme une eau-de-vie Tu marches vers Auteuil, tu veux aller chez toi à pied Dormir parmi tes fétiches d’Océanie et de Guinée Ils sont des Christ d’une autre forme et d’une autre croyance Ce sont les Christ inférieurs des obscures espérances Adieu Adieu Soleil cou coupé Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913
2.
Les saltimbanques Dans la plaine les baladins S’éloignent au long des jardins Devant l’huis des auberges grises Par les villages sans églises Et les enfants s’en vont devant Les autres suivent en rêvant Chaque arbre fruitier se résigne Quand de très loin ils lui font signe Ils ont des poids ronds ou carrés Des tambours des cerceaux dorés L’ours et le singe animaux sages Quêtent des sous sur leur passage ****************************************************** Crépuscule Frôlée par les ombres des morts Sur l’herbe où le jour s’exténue L’arlequine s’est mise nue Et dans l’étang mire son corps Un charlatan crépusculaire Vante les tours que l’on va faire Le ciel sans teinte est constellé D’astres pâles comme du lait Sur les tréteaux l’arlequin blême Salue d’abord les spectateurs Des sorciers venus de Bohême Quelques fées et les enchanteurs Ayant décroché une étoile Il la manie à bras tendu Tandis que des pieds un pendu Sonne en mesure les cymbales L’aveugle berce un bel enfant La biche passe avec ses faons Le nain regarde d’un air triste Grandir l’arlequin trismégiste ****************************** La Tzigane La tzigane savait d’avance Nos deux vies barrées par les nuits Nous lui dîmes adieu et puis De ce puits sortit l’Espérance L’amour lourd comme un ours privé Dansa debout quand nous voulûmes Et l’oiseau bleu perdit ses plumes Et les mendiants leurs Ave On sait très bien que l’on se damne Mais l’espoir d’aimer en chemin Nous fait penser main dans la main À ce qu’a prédit la tzigane ************************** Les Cloches Mon beau tzigane mon amant Écoute les cloches qui sonnent Nous nous aimions éperdument Croyant n’être vus de personne Mais nous étions bien mal cachés Toutes les cloches à la ronde Nous ont vus du haut des clochers Et le disent à tout le monde Demain Cyprien et Henri Marie Ursule et Catherine La boulangère et son mari Et puis Gertrude ma cousine Souriront quand je passerai Je ne saurai plus où me mettre Tu seras loin Je pleurerai J’en mourrai peut-être ********************** Mai Le mai le joli mai en barque sur le Rhin Des dames regardaient du haut de la montagne Vous êtes si jolies mais la barque s’éloigne Qui donc a fait pleurer les saules riverains ? Or des vergers fleuris se figeaient en arrière Les pétales tombés des cerisiers de mai Sont les ongles de celle que j’ai tant aimée Les pétales flétris sont comme ses paupières Sur le chemin du bord du fleuve lentement Un ours un singe un chien menés par des tziganes Suivaient une roulotte traînée par un âne Tandis que s’éloignait dans les vignes rhénanes Sur un fifre lointain un air de régiment Le mai le joli mai a paré les ruines De lierre de vigne vierge et de rosiers Le vent du Rhin secoue sur le bord les osiers Et les roseaux jaseurs et les fleurs nues des vignes ******************* Le Pont Mirabeau Sous le pont Mirabeau coule la Seine Et nos amours Faut-il qu’il m’en souvienne La joie venait toujours après la peine. Vienne la nuit sonne l’heure Les jours s’en vont je demeure Les mains dans les mains restons face à face Tandis que sous Le pont de nos bras passe Des éternels regards l’onde si lasse Vienne la nuit sonne l’heure Les jours s’en vont je demeure L’amour s’en va comme cette eau courante L’amour s’en va Comme la vie est lente Et comme l’Espérance est violente Vienne la nuit sonne l’heure Les jours s’en vont je demeure Passent les jours et passent les semaines Ni temps passé Ni les amours reviennent Sous le pont Mirabeau coule la Seine Vienne la nuit sonne l’heure Les jours s’en vont je demeure
3.
L’amour est mort entre tes bras Te souviens-tu de sa rencontre Il est mort tu la referas Il s’en revient à ta rencontre Encore un printemps de passé Je songe à ce qu’il eut de tendre Adieu saisons qui finissez Vous nous reviendrez aussi tendre ******************************** Dans le crépuscule fané Où plusieurs amours se bousculent Ton souvenir gît enchaîné Loin de nos ombres qui reculent Ô mains qu’enchaîne la mémoire Et brûlantes comme un bûcher Où le dernier des phénix noir Perfection vient se jucher La chaîne s’use maille à maille Ton souvenir riant de nous S’enfuit l’entends-tu qui nous raille… Et je retombe à tes genoux ************************************** Tu n’as pas surpris mon secret Déjà le cortège s’avance Mais il nous reste le regret De n’être pas de connivence La rose flotte au fil de l’eau Les masques ont passé par bandes Il tremble en moi comme un grelot Ce lourd secret que tu quémandes ****************************** Le soir tombe et dans le jardin Elles racontent des histoires À la nuit qui non sans dédain Répand leurs chevelures noires Petits enfants petits enfants Vos ailes se sont envolées Mais rose toi qui te défends Perds tes odeurs inégalées Car voici l’heure du larcin De plumes de fleurs et de tresses Cueillez le jet d’eau du bassin Dont les roses sont les maîtresses ********************************* Tu descendais dans l’eau si claire Je me noyais dans ton regard Le soldat passe elle se penche Se détourne et casse une branche Tu flottes sur l’onde nocturne La flamme est mon cœur renversé Couleur de l’écaille du peigne Que reflète l’eau qui te baigne ************************************ Ô ma jeunesse abandonnée Comme une guirlande fanée Voici que s’en vient la saison Et des dédains et du soupçon Le paysage est fait de toiles Il coule un faux fleuve de sang Et sous l’arbre fleuri d’étoiles Un clown est l’unique passant Un froid rayon poudroie et joue Sur les décors et sur ta joue Un coup de revolver un cri Dans l’ombre un portrait a souri La vitre du cadre est brisée Un air qu’on ne peut définir Hésite entre son et pensée Entre avenir et souvenir Ô ma jeunesse abandonnée Comme une guirlande fanée Voici que s’en vient la saison Des regrets et de la raison
4.
Rosemonde 01:57
Longtemps au pied du perron de La maison où entra la dame Que j’avais suivie pendant deux Bonnes heures à Amsterdam Mes doigts jetèrent des baisers Mais le canal était désert Le quai aussi et nul ne vit Comment mes baisers retrouvèrent Celle à qui j’ai donné ma vie Un jour pendant plus de deux heures Je la surnommai Rosemonde Voulant pouvoir me rappeler Sa bouche fleurie en Hollande Puis lentement je m’allai Pour quêter la Rose du Monde

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"Les jours s'en vont je demeure" est une anthologie de poèmes de Guillaume Apollinaire tirés d'Alcools et de Vitam impendere amori, mis en musique et en voix par Olivier Campos

credits

released March 29, 2021

Poèmes: Guillaume Apollonaire
Musique et voix: Olivier Campos
Mixé aux studios de la Tour fine (Herblay) par Vincent Thermidor en janvier et février 2019
Artworks: Two design Yannick Moulin

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about

Olivier Campos Paris, France

Olivier Campos is a poet composer and performer based in Paris. Since his best selling poetry book "L'heure est mûre" (Mots Migrateurs édiiteur, 2009), he explores new artistic fields and presents a tribute to the second of his poetical guides, Charles Baudelaire. Vertigineuse douceur is a musical setting of Baudelaire's most celebrated Fleurs du mal. Savour and enjoy! ... more

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